Plus de huit mois après sa sortie au
Japon, où il a su donner l'impression
de relancer la console, Blue Dragon débarque
enfin en Europe. Aux commandes de ce jeu, on
trouve Hironobu Sakaguchi (créateur des
Final Fantasy), Akira Toriyama (auteur et scénariste
des Dragon Ball) et Nobuo Uematsu (compositeur
pour Final Fantasy). Avec de tels noms, les
attentes étaient fortes pour ce RPG japonais.
Nous allons voir si elles étaient justifiées.
Chaque
année depuis dix ans, d'inquiétants nuages pourpres obscurcissent
le ciel au-dessus du village de Talta, accompagnés par un requin-terrestre
qui y sème chaos et terreur. Le méchant qui se cache derrière
tout ceci est un vieillard violet à lunettes nommé Nene. N'écoutant
que leur courage, Shu, Jiro et Kluke décident de tendre un piège
au requin-machine afin de défendre leurs familles et amis. Mais tout ne
se passe pas comme prévu, et les trois adolescents se retrouvent bien vite
à l'autre bout de la carte. Pressés de retrouver leur village et
acculés par les ennemis, nos trois héros vont accepter d'avaler
de petites boules d'énergie, transformant et donnant vie ainsi à
leurs ombres, et leur permettant d'utiliser la magie et de combattre avec beaucoup
plus d'efficacité.
L'histoire
de Blue Dragon se veut simple. Ce n'est pas un défaut en soi, mais là
où cela devient plus gênant, c'est qu'elle n'évolue que peu
et très lentement au fil du jeu. Ainsi, presque les deux tiers de l'aventure
sont consacrés à retrouver notre village d'origine, puis de tenter
de mettre la main sur le vilain de l'histoire, qui malgré ses pouvoirs
magiques supérieurs et son armée de robots, semble passer son temps
à fuir. Et comme il n'y a presque aucune quête "secondaire"
à accomplir, le parcours s'avère très linéaire et
dirigiste pendant plus de la moitié du jeu. En effet, si Blue Dragon s'étale
sur trois galettes DVD, ce n'est qu'une fois le dernier disque inséré
dans la console que l'on commence enfin à avoir le choix de sa destination
et que l'on nous propose des lieux et quêtes optionnels. Pour en revenir
à l'histoire, si les personnages que l'on dirige sont bien présentés
et développés (principalement grâce aux très nombreuses
cinématiques), on sent que le public visé doit être jeune,
avec des sujets plutôt destinés aux jeunes adolescents, qui à
l'image de nos avatars vivraient leurs premiers émois amoureux. Ce côté
gentillet et mièvre de l'histoire trouve également son écho
dans le design des personnages et des monstres. Qu'on se rassure, l'ensemble se
tient parfaitement et est cohérent, mais c'est assez déconcertant
les premières fois où l'on aperçoit Nene, le terrrrrrible
méchant, violet, souriant et en chaise roulante; ou encore un membre de
la tribu Deevee avec casque ou pot de fleur sur la tête, ou un ennemi appelé
serpent fécal, ou un autre qui n'est qu'un ours en peluche géant.
Amateurs de jeux adultes : apprenez à sourire, ou passez votre chemin.
La magie occupe une place importante
dans le jeu, et chacun des membres du petit groupe que l'on dirige possède
son ombre bleue possédant sa forme propre. Ainsi, celle de Jiro est un
minotaure, celle de Kluke un phénix, et celle de Shu, le héros,
donne son nom au jeu. La relation entretenue entre les héros et leurs ombres
est sans doute l'un des aspects les plus intéressants développés
dans le scénario. En parallèle aux habituels points d'expérience
reçus après chaque combat, on récolte également des
points d'ombre qui ne font pas évoluer le personnage, mais, vous l'aurez
compris, son ombre. Grâce à ces points, l'ombre peut progresser et
se spécialiser dans l'une des neuf classes existantes (magie blanche, noire,
de soutien, assassin, gardien, maître épéiste, ...). S'il
n'est pas conseillé de trop s'éparpiller en début d'aventure,
on peut par contre ensuite attribuer plusieurs classes à son ombre, lui
faire grimper les niveaux de 1 à 99 dans plusieurs domaines et combiner
des compétences inter-classes. Ce qui a pour avantage de rendre un personnage
polyvalent et mieux équilibré, spécialisé par exemple
dans l'attaque brute, mais avec quelques talents de soin utilisables en cas d'urgence.
Les combinaisons possibles sont larges et vraiment intéressantes, d'autant
que les compétences et sorts magiques sont nombreux.
Comme
la plupart des jeux de rôle japonais, Blue Dragon propose des combats au
tour par tour. Ceux-ci se révèlent agréables grâce
aux nombreuses configurations d'ombres que l'on peut adopter, et aux placements
possibles de nos personnages. Par exemple, on peut positionner les combattants
classiques sur la ligne de front (maître épéiste, moine, assassin),
et mettre à l'arrière ceux dont la défense est plus faible,
mais qui pourront soigner ou attaquer avec des sorts. Autre exemple, positionner
un gardien tout seul en première ligne, qui aura pour tâche d'encaisser
tous les coups, soutenu par ses compagnons à l'arrière, le soignant,
lui lançant des sorts de protection, tout en attaquant l'ennemi avec la
magie noire.
Petite originalité, il est possible, une fois la compétence
correspondante apprise, de charger ses attaques en maintenant une touche enfoncée.
En regardant l'indicateur de charge et l'ordre des tours, on peut ainsi sacrifier
un peu de temps pour obtenir une attaque plus puissante. Les combats sont très
nombreux dans Blue Dragon, mais fort heureusement ils ne sont pas aléatoires,
c'est-à-dire que l'on voit à l'avance les ennemis et que l'on peut
souvent choisir de faire un affrontement, ou de passer son chemin. Des compétences
de champ permettent de se déplacer sans être détecté,
voire même d'éliminer instantanément par simple contact les
faibles monstres déjà rencontrés, sans passer par la phase
de tour par tour. Cette compétence peut d'ailleurs facilement être
détournée pour "booster" un peu ses personnages, en restant
quelques dizaines de minutes dans un lieu où les monstres réapparaissent
indéfiniment, mais de cette façon, seuls les points d'ombre augmentent,
pas les points d'expérience, ni l'or. Mis à part pour quelques boss,
les affrontements sont en général très faciles, et le jeu
ne propose pas différents niveaux de difficulté.
Blue Dragon propose plusieurs moments d'exploration,
complétés par la recherche d'objets, présents en grand nombre
dans le jeu. Les plus intéressants se trouvent dans des coffres, mais en
fait la plupart des éléments de décor, tels que pierres,
arbres, meubles, vases, cachent souvent quelques pièces, médailles
ou objets divers. Et si l'on ne trouve rien dans un conteneur, signalé
d'ailleurs par un "rien" à l'écran et un "nothing"
dans les haut-parleurs, les joueurs peuvent se consoler en sachant qu'un vendeur
particulier échange justement les "rien" que l'on a "trouvé"
contre des accessoires très intéressants (les plus chers valant
plus de 1'000 "rien"). Plusieurs phases Quick Time Event sont également
présentes, ainsi que quelques petits moments de shoot plutôt réussis
à bord d'un aéronef. Rien de transcendant, mais ces phases permettent
de varier un peu le gameplay, autrement très axé sur les combats.
Le
design des personnages est particulier et ne plaira pas forcément à
tout le monde. Si les héros, de même que leurs ombres, sont plutôt
bien réalisés et animés, les monstres, bien que variés
et nombreux, ne sont pas forcément tous réussis et manquent souvent
de détails. D'autres encore sont carrément loufoques, ou grotesques,
selon l'appréciation de chacun. Les environnements ont le mérite
d'être variés, cohérents et parfois même enchanteurs.
S'ils sont souvent très agréables à contempler dans un village
ou un autre lieu spécifique, les choses se gâtent lorsque l'on se
trouve sur la "carte" du monde où les décors sont cette
fois bien vides. Côté technique, plusieurs ralentissements sont à
signaler, lors de certains combats, et même en extérieur sur la carte
du monde. Les chargements sont nombreux et présents avant chaque cinématique,
entre deux cinématiques, à chaque entrée de maison, village,
grotte et avant les combats. Les sauvegardes sont limitées à 30,
et à part lors des moments d'exploration sur la carte du monde, il est
toujours nécessaire de trouver un cube de sauvegarde pour enregistrer sa
partie. Un peu désuet comme méthode. La présence de trois
DVD ne pose pas de soucis, et à aucun moment on nous demande de remettre
le disque 1 ou le 2 alors que l'on se trouve plus loin dans l'aventure. Les transitions
entre ces trois DVD se fait d'ailleurs à des moments bien choisis côté
scénario, et n'entraînent pas de coupures brutales.
Les
musiques de leur côté sont variées et plaisantes, offrant
des atmosphères tantôt calmes, tantôt épiques et renforçant
le charme dégagé par certains lieux. La musique survitaminée
des boss, de Ian Gillan (Deep Purple), tranche avec le reste des compositions
de Nobuo Uematsu. Blue Dragon a été entièrement traduit en
français, que ce soit pour les textes et pour les dialogues parlés.
On remarquera juste quelques commentaires d'exploration qui sont restés
en anglais (du genre : playable, detected, nothing), mais il est possible de les
désactiver. Depuis l'écran de chargement, le jeu offre en outre
la possibilité de changer de langue, mais seules les voix en français,
anglais et italien sont disponibles. Les amateurs de VO en japonais seront déçus.
Sans atteindre des sommets, les voix en français sont correctes et font
penser aux doublages des mangas télévisés de nos jeunes années.
On regrette par contre de n'entendre aucune voix pour tous les dialogues qui ne
se déroulent pas dans une cinématique. Ces dialogues "textuels"
sont par ailleurs très sommaires et simplistes. On est très loin
des productions de Bioware ou Bethesda au niveau du choix des réponses,
inexistantes ici.
Blue Dragon est un
RPG japonais très classique, qui ne propose aucune véritable innovation
marquante, contrairement à ce que l'on aurait pu espérer avec de
tels noms à l'affiche. On regrette le côté dirigiste et linéaire
qui caractérise les premiers deux tiers de l'aventure et son histoire qui
peine à se dévoiler et qui reste un peu trop simple. Malgré
cela, le jeu reste très agréable, grâce à un ensemble
cohérent et plein de charme, une ambiance soignée, des musiques
de qualité, des ombres que l'on a plaisir à faire évoluer
et un système de combats réussi.
Max73
- 4.09.2007